Morgane Charre habite en Haute-Savoie et est originaire de l’Ardèche. Elle a choisi de rester dans les montagnes, attirée par leur beauté et la possibilité de pratiquer son sport.
Elle a toujours été sportive et a touché à de nombreuses disciplines, passant la plupart de son temps à l’extérieur à jouer. Morgane a commencé par le BMX au skatepark lorsqu’elle était jeune. Elle a toujours aimé les sensations fortes et s’est ensuite tournée vers le VTT de descente. Rapidement, elle s’est illustrée au niveau régional, puis lors des Coupes de France.
En 2010, elle participe à sa première Coupe du Monde. Pendant huit ans, elle prend part au circuit mondial et décroche neuf podiums.
Par la suite, elle a souhaité varier les plaisirs en alliant l’aspect technique et l’endurance, ce qui l’a naturellement menée vers l’enduro. Elle commence ses premières courses d’enduro en 2017. En 2019, elle réalise sa première saison complète dans cette discipline et s’y épanouit pleinement. Les saisons s’enchaînent et Morgane figure régulièrement parmi les meilleures du classement, et ce, jusqu’à aujourd’hui.
Nous sommes fiers de la compter parmi nos athlètes.
Dans cette interview, nous allons en découvrir un peu plus sur son parcours, revenir sur cette saison particulièrement animée, et avoir un retour sur ses six Coupes du Monde disputées au cours des neuf dernières semaines.
Pour commencer, afin de clarifier ta discipline pour nos lecteurs, pourrais-tu nous expliquer quelle est la différence entre le DH (Descente) et l’Enduro ?
En descente, tu te concentres uniquement sur la partie la plus technique et la plus rapide d’une montagne : tu prends une remontée mécanique ou une navette pour monter, et ensuite tu descends le plus vite possible sur une piste très engagée, avec des sauts, des racines, des rochers… Le chrono ne compte que pour la descente, donc c’est vraiment un sprint intense où il faut tout donner sur un court laps de temps. Le vélo est lourd, super robuste, avec beaucoup de débattement pour encaisser les gros chocs, mais il n’est pas fait pour pédaler en montée.
L’enduro, c’est différent, tu dois pédaler pour rejoindre le départ des spéciales, donc tu alternes des montées et des descentes. Les montées ne sont pas chronométrées, mais il faut quand même gérer ton effort pour arriver dans les temps. Les spéciales, elles, sont chronométrées, et ce sont des descentes techniques, parfois longues, parfois variées. Le vélo d’enduro est plus polyvalent : il est assez léger pour grimper, mais il reste performant en descente, avec une bonne suspension et une géométrie adaptée pour tout faire. Ce que j’aime, c’est que l’enduro mélange l’aspect technique de la descente et l’endurance, avec des parcours très variés et une vraie gestion de course.
Comment s'est passé ta course à la Thuile ?
C’était déjà la sixième manche de la Coupe du Monde, donc nous avons enchaîné pas mal d’épreuves cette saison. Cette année a été particulière, car nous avons vraiment eu un gros enchaînement de course. De plus, avec ma blessure, cela ne faisait qu’une semaine que j’avais repris, donc les sensations n’étaient pas encore à 100 %, mais je les retrouvais de plus en plus, au fil des jours. Nous revenions tout juste de la manche précédente, dans les Dolomites, où les conditions étaient difficiles et exigeantes physiquement : quatre jours d’entraînement en altitude sous la chaleur, suivis de deux jours de course. C'est vrai que je suis arrivé assez fatigué.
Mais La Thuile, c’est vraiment un spot que j’adore. Cela faisait quatre ans que je n’y étais pas retourné.
C’était un vrai plaisir de retrouver ces pistes et ces paysages. Les entraînements se sont bien passés. La course comptait quatre spéciales : trois longues, dont une avec 650 m de dénivelé négatif, et les deux autres, presque 1 000 m de D-. Enchaîner des spéciales aussi longues, c’est vraiment exigeant !
Comment fais-tu pour gérer un effort aussi difficile et long ? Est ce que tu intègres des produits TA Energy pour t’aider sur des courses comme celle-ci ?
J’essaie toujours de rouler de manière fluide et propre, en sortant rapidement des virages pour gagner du temps et maintenir une vitesse élevée sans négliger la précision. Sur les liaisons, je veille à bien m’hydrater : j’ai toujours de l’iso dans ma gourde, ce qui me permet de boire régulièrement. Avec la chaleur, j’ajoute des pastilles d’électrolytes dans tous mes bidons, c’est vraiment efficace. Pendant les jours de repos ou d’entraînement, je privilégie les barres énergétiques et par contre les jours de course, j’alterne entre gels et gommes, surtout à la fin de chaque spéciale.
Il m’arrive souvent de passer au stand une fois dans la journée, ce qui me permet de profiter du ravitaillement. Lors de la nocturne à La Thuile, j’ai opté pour les gommes caféinées en soirée afin de rester bien éveillé et tenir jusqu’au prochain départ.
Comment est-ce que tu fais pour garder le rythme avec un tel enchaînement de compétition ?
Avec l’enchaînement des courses, le rythme soutenu et les déplacements entre l’Autriche, la Pologne et les Pyrénées, j’essaie vraiment de m’économiser au maximum. Je veille à bien m’alimenter, à boire des boissons de récupération entre les compétitions, et à accorder une grande importance au repos. Je dors beaucoup et je reste à l’écoute de mon corps. Certaines semaines demandent plus d’énergie que d’autres, alors j’adapte mon entraînement en conséquence. Je continue à pratiquer un peu de sport, mais sans jamais trop en faire, pour récupérer le plus efficacement possible. Mon objectif est de trouver le bon équilibre pour rester performante tout en préservant ma santé.
Est-ce que tu es suivi par un coach mental, un préparateur physique etc..?
Depuis 2020, je bénéficie de l’accompagnement de Nico Philipi, qui m’entraîne avec beaucoup d’attention et de professionnalisme. Nous échangeons régulièrement, que ce soit lors de nos séances ou par messages durant les compétitions, il prend toujours en compte mon état de fatigue ainsi que ma condition physique du moment. Il adapte chaque séance en fonction de mes besoins, ce qui me permet de progresser tout en respectant mes limites. Je trouve cela vraiment précieux d’être aussi bien suivi. J’ai également travaillé un peu avec une préparatrice mentale, ce qui m’a apporté un vrai plus dans la gestion de la pression et de la motivation. Enfin, ma kinésithérapeute m’accompagne efficacement pour prévenir et traiter les blessures, ce qui me permet d’aborder mes entraînements et compétitions en toute confiance.
Comment organises tu une semaine type d’entraînement, entre préparation physique, technique et récupération ?
Souvent, le lundi est consacré au repos. J’en profite pour faire une petite séance de yoga et, je l’avoue, il m’est difficile de résister à l’envie de monter sur mon vélo. Je m’accorde donc généralement une courte balade, mais toujours à un rythme très tranquille.
Le mardi, grosse séance de musculation dès le matin : je travaille l’ensemble du corps, aussi bien au poids du corps qu’avec des charges. Ensuite, l'aprèm j’enchaîne avec une sortie VTT d’environ 1h30 à haute intensité.
Le mercredi est dédié à l’endurance. Selon la période de l’année, cela varie, mais je passe en général entre 4 et 5 heures sur le vélo. En hiver, j’alterne parfois avec du ski de randonnée ou du ski de fond.
Le jeudi ressemble souvent au mardi : musculation et travail d’intensité sont au programme.
Le vendredi, la journée est plus variable, elle peut être plus légère selon la fatigue accumulée. Je choisis alors entre vélo, musculation, course à pied ..., en fonction de mon état de forme.
Le samedi, je privilégie à nouveau l’endurance, en enchaînant des descentes plus techniques afin de travailler la maîtrise et la technicité.
Au total, je consacre entre 15 et 24 heures par semaine à l’entraînement, que je sois en pleine préparation ou en récupération entre deux championnats.
Tu as décroché une belle 2ᵉ place à Loudenvielle lors de la Coupe du Monde UCI Enduro. Peux-tu nous raconter ta course et ce qui t’a permis de monter sur ce podium ?
Loudenvielle, c’est vraiment un endroit où je me sens comme chez moi. J’y avais déjà remporté le championnat de France, et revenir ici me fait toujours autant plaisir. Ce lieu me rappelle ma région natale, avec sa terre, ses racines et ses cailloux. Cette fois, les conditions étaient bien meilleures que la dernière fois : il faisait beau, on roulait en tee-shirt, ce qui m’a mise de bonne humeur dès le départ. Les conditions étaient vraiment idéales.
Ce genre de course paraît presque facile : le vélo va exactement là où tu veux, et je me suis vraiment amusé. J’ai tout de même rencontré un petit souci : ma roue avant a crevé. Heureusement, j’avais suffisamment d’avance pour conserver ma deuxième place, donc tout s’est bien terminé !
Peux-tu nous parler de ta chute à Leogang, comment as-tu géré la récupération, physiquement et mentalement, pour revenir aussi forte à Canazei ?
C’est vrai que ça a été difficile. J’ai vraiment ressenti une douleur intense. D’habitude, je suis plutôt résistante à la douleur, mais là, c’était particulièrement douloureux. Arrivée en haut de ma spéciale, je me suis dit qu’il fallait absolument que je parvienne à descendre. Je suis donc remonté sur le vélo et j’ai terminé la piste en larmes, avant de retrouver les bike patrols. La douleur était forte, mais les examens ont heureusement révélé qu’il n’y avait rien de cassé.
Le lendemain, j’ai tout de même passé une IRM. J’ai eu de la chance dans mon malheur : aucun os ni ligament n’était gravement touché, tout était intact. J’avais simplement un gros œdème, une lésion sur un ligament et la rotule qui avait pris un choc important. J’ai loué un appareil Game Ready pour faire de la cryothérapie et de la compression, ce qui a été très efficace pour faire dégonfler le genou.
Heureusement, j’ai été bien accompagnée par le kiné. J’ai rapidement commencé des petits exercices de rééducation, à remobiliser ma jambe, à marcher, etc. J’ai enchaîné de grosses journées de kiné et de soins, sans rien lâcher. Au bout de dix jours, j’ai pu remonter sur le home trainer, et ça m’a vraiment fait plaisir, ça m’a remonté le moral.
Je ne me suis pas mise la pression pour cette rééducation. Honnêtement, je ne pensais même pas pouvoir continuer à courir sur les championnats après ça. Je me suis simplement entraînée dans le but de soigner ma blessure, en me disant que je verrais au dernier moment si je pouvais ou non remonter sur mon vélo pour les championnats.
Après une série de tests avec mon kiné, et deux ou trois descentes sur une piste bleue, sans trop d’équilibre mais sans douleur, j’ai eu le feu vert pour reprendre. Je suis revenue sans attente particulière. J’avais vraiment perdu confiance sur le vélo, et c’était difficile de me redonner à fond. Mais petit à petit, j’ai retrouvé mes repères et de bonnes sensations, ce qui est très encourageant.
Je suis toujours bien entourée par Nico, et j’ai ajouté des séances de cryothérapie « maison » dans la rivière, pour mon genou. J’ai encore un peu de mal à lâcher les freins, mais ça s’améliore chaque jour. J’ai beaucoup progressé en un mois, et j’en suis vraiment contente !
Peux-tu nous parler un peu de cette saison ?
Cette saison a été marquée par de nombreux défis, mais aussi par de belles leçons. J’ai eu la chance d’être très bien entourée : personne ne m’a mis la pression pour reprendre trop vite après mes blessures. Mon équipe a fait preuve d’une grande compréhension, et je leur en suis profondément reconnaissante. Je pense que ce soutien m’a énormément aidée à rester motivée et à ne rien lâcher.
J’ai enchaîné plusieurs petits obstacles et je n’ai pas toujours eu l’impression d’être à 100% sur mes courses. Une tendinite au bras, ainsi que d’autres petits soucis physiques, m’ont parfois frustrée. La saison touche déjà à sa fin. Je me suis beaucoup investie dans ma préparation, mais j’ai le sentiment de ne pas avoir pu exploiter tout mon potentiel. Malgré tout, je reste toujours parmi les cinq premières. Actuellement, je suis quatrième au classement général, tout près de la troisième place, et j’en suis vraiment fière.
C’est vrai que cette saison n’a pas été très fluide : il y a toujours eu des imprévus, mais je me bats chaque jour pour que tout fonctionne. Le niveau chez les filles ne cesse d’augmenter, ce qui est très motivant. Désormais, il faut vraiment se donner à 200% pour aller chercher de bons résultats !
As-tu une routine avant course à nous partager ?
J’ai tellement de petits rituels ! Le matin, je me lève avec le sourire, je prends mon petit-déjeuner, je lis un livre et j’essaie vraiment de commencer la journée dans la bonne humeur. Garder le sourire et avancer avec confiance, c’est essentiel pour moi. Je prends aussi le temps de respirer profondément pour évacuer le stress, surtout avant les spéciales. Écouter de la musique me booste, chanter un peu m’aide à penser à autre chose et à me détendre. Parfois, pendant les liaisons, je mets quelques morceaux pour m’évader et me changer les idées.
Quels aspects de ta préparation considères tu comme les plus déterminants pour performer au plus haut niveau ?
Être prêt mentalement et physiquement est essentiel. Il est important de bien s’alimenter au quotidien et lors des compétitions, de suivre une préparation adaptée. Mais le plus important, c’est d’aimer ce que l’on fait : avoir une véritable passion pour le sport que l’on pratique donne l’envie de s’entraîner chaque jour et de donner le meilleur de soi-même. Pour ma part, je suis toujours heureuse de monter sur mon vélo, et cela compte énormément. Dans les moments difficiles, il faut savoir pourquoi on s’investit autant : l’amour de son sport reste, à mes yeux, l’aspect le plus important, bien avant tout le reste.
Quels sont tes objectifs pour la suite de la saison ?
Deux grandes courses approchent à grands pas. Mon objectif est clair : remporter la finale de la Coupe du monde, qui se déroule tout près de chez moi. Je vise également à monter sur la troisième marche du classement général. Pour les Championnats du monde, je compte tout donner afin d’atteindre le meilleur résultat possible. La motivation est à son maximum et je suis prête à relever ces défis avec détermination.